Sainte-Marie de Bayonne, une franco-anglaise en pays basque

Sainte-Marie de Bayonne, une franco-anglaise en pays basque

En 1258, un incendie ravage la cathédrale Sainte-Marie qui domine la ville de Bayonne. Aussitôt reconstruite en gothique rayonnant, elle porte encore aujourd’hui la marque de l’appartenance de la région à l’Angleterre. Ses flèches élancées sont chères au cœur des Bayonnais.

 

Située au sommet de la colline surplombant l’Adour et la Nive, la cathédrale Sainte-Marie est au cœur de Bayonne et des Bayonnais. L’édifice actuel a été construit du XIIIe au XVIe siècle en pierre de Mousserolles (ocre) puis en pierre de Bidache (blanche) sur les bases d’une cathédrale romane incendiée en 1258. À cette époque, Bayonne est une ville prospère rattachée à l’Angleterre depuis le remariage en 1152 d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, le futur Henri II. L’économie de la cité portuaire repose sur les activités maritimes et commerciales avec le royaume de Navarre et les villes d’Europe du Nord. Les architectes champenois qui reconstruisent la cathédrale s’inspirent du chœur de Notre-Dame de Reims et reproduisent les chapelles absidiales de la cathédrale de Soissons. Sainte-Marie est quasiment achevée quand les Français reprennent la ville aux Anglais en 1451. Pour marquer l’événement, Charles VII fait poser des fleurs de lys sur la façade de l’édifice. 

Les traces d’une histoire mouvementée

À l’intérieur de la cathédrale, d’autres éléments ont une portée historique, comme ces fameuses clés de voûte polychromes qui rappellent la domination anglaise et la guerre de Cent Ans. Certaines portent un blason avec les léopards anglais ou un blason mêlant léopards et fleurs de lys. En 1431, Henri VI, roi d’Angleterre, fut en effet couronné roi de France. Une autre clé de voûte dans le bras sud du transept vaut de s’arrêter un instant. Elle représente un navire avec un gouvernail d’étambot jugé plus stable pour la navigation, appelé « timon à la bayonnaise » car on suppose qu’il a été inventé à Bayonne. Les Basques l’ont répandu en Europe en 1300. Huit marins sont à bord et, sur chaque côté, apparaissent les symboles des quatre évangélistes. C’est donc la nef de l’Église qui est ici représentée. Enfin, un vitrail de « la guérison de la fille de la Cananéenne » a encore une portée spirituelle et historique. Restauré en 2012, ce vitrail a été réalisé en 1531, l’année de la mort de Louise de Savoie, la mère de François 1er. Elle avait négocié la paix des Dames avec Marguerite d’Autriche, la tante de Charles Quint. Signé en 1529, ce traité avait permis de libérer les fils de François 1er, retenus en Espagne.
 

Le plus grand cloître d’Europe

Sortons de la cathédrale et passons dans le cloître, accolé à son côté sud. Édifié aux XIIIe et XIVesiècles sur un cloître roman, il a la particularité d’être très grand et ouvert sur la ville. Lieu de prière et de procession pour les chanoines, il servit aussi de cimetière et de place publique. Il était ainsi un lieu de rencontres pour les notables et les corporations. On y accédait directement depuis la rue ou le portail sud de la cathédrale. Ce dernier, aujourd’hui caché dans la sacristie, présente les seules sculptures à avoir échappé aux destructions de la Révolution : un Christ en gloire entouré de six apôtres. On a redécouvert ce porche par hasard quand on a aménagé la sacristie.

De nouvelles tours au XIXe siècle

Au XIXe siècle, grâce à un généreux legs d’un Bayonnais, Monseigneur Lacroix confie d’importants travaux de restauration à l’architecte Émile Boeswillwald. Plus qu’une restauration, c’est une cathédrale néogothique idéale que ce disciple de Viollet-Le-Duc réalise. À la demande de l’évêque, il construit une grande sacristie et une chapelle sur le côté sud de la cathédrale. Il aménage un déambulatoire dont il confie la décoration au peintre-verrier alsacien Louis Charles Auguste Steinheil. Ces peintures des saints apôtres dans le style médiéval ont été restaurées en 2016-2018. Enfin, sur la façade ouest de la cathédrale, Émile Boeswillwald ajoute une tour en pendant de la tour existante, puis en 1878 il surmonte ces deux tours de deux flèches élancées. Elles sont aujourd’hui emblématiques de Sainte-Marie et de Bayonne ! Depuis 1988, la cathédrale est inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco au titre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle.

 

Une figure : Louis-Édouard Cestac (1801-1868), une action sociale et agricole

Né à Bayonne le 6 janvier 1801, Louis-Édouard Cestac est ordonné prêtre le 17 décembre 1825. Dès l’enfance, il voue à la Vierge Marie une dévotion particulière. Nommé vicaire de Sainte-Marie de Bayonne en 1831, il est touché par la vie de jeunes filles pauvres, abandonnées ou livrées à la prostitution dans cette cité portuaire. En 1836, il fonde à Bayonne un foyer pour orphelines appelé le Grand Paradis, puis en 1838, il achète à Anglet, près de Bayonne, un domaine pour permettre à des jeunes femmes de quitter la prostitution : Notre-Dame du Refuge. Dans ce cadre protecteur, elles sont accompagnées par de jeunes éducatrices dont Élise, la sœur de Louis-Édouard. En 1842, ces premières collaboratrices fondent la congrégation des Servantes de Marie, puis en 1851, elles donnent naissance à une branche contemplative les Bernardines.

À partir de 1852, le père Cestac envoie les Servantes de Marie dans les campagnes afin d’ouvrir des écoles. Pour nourrir les jeunes qu’il accueille, il fait également de Notre-Dame du Refuge un lieu d’expérimentations et d’innovations agricoles qui vont également servir les intérêts de la région. Élu président du comice agricole de Bayonne en 1857, il est décoré en 1865 de la Légion d’honneur par Napoléon III, pour son action. Il meurt le 27 mars 1868 à Notre-Dame du Refuge où il est inhumé. Louis-Édouard Cestac a été béatifié en la cathédrale de Bayonne le 31 mai 2015.