Le retour des idolâtres

Le retour des idolâtres

Le retour des idolâtres

« Alexamenos adore son Dieu », ainsi est formulée la légende du célèbre graffiti romain datant du 3ème siècle qui représente un chrétien priant devant un crucifié affublé d’une tête d’âne. L’art de la caricature ne date donc  pas d’aujourd’hui, touche toutes les religions et produit encore son effet 18 siècles après.

Nous sommes tous légitimement horrifiés de constater que la décapitation a fait son retour dans notre cher pays qui se croyait à l’abri d’une telle barbarie. Cet acte inqualifiable a suscité un tsunami de commentaires qui a trouvé son épilogue dans le discours prononcé à la Sorbonne par le Président de la République. Soit dit en passant, cette célébration de la laïcité absolue dans la maison de Robert de Sorbon, ecclésiastique et théologien, laissait songeur !! Mais n’est-ce pas la France !

Il restera aussi de cet évènement tragique, le matraquage télévisuel organisé autour d’une équation simple : islamisme= religion ; religion=obscurantisme et fanatisme ; donc l’ennemi c’est la religion et, sous-entendu, y compris la religion chrétienne! Voilà à quoi se résumait la plupart des interventions.  Or, ce qui est le fond du problème, c’est justement l’absence de religion c’est-à-dire de la recherche de ce qu’est véritablement Dieu. Cette quête du vrai Dieu qu’aucun croyant véritable ne peut réduire à une appellation, une formule, une image. La Bible tout entière n’est qu’une réfutation sans cesse renouvelée de tous les prétendus dieux. Enfermer Dieu dans un mot, une définition, un signe quelconque est un acte idolâtre.

Or, le débat suscité par l’assassinat du professeur Paty n’est que confrontation de deux idolâtries. Celle d’un Islam dévoyé et celle de la liberté d’expression élevée au rang d’une divinité intouchable. Le fait que ses dévots se permettent de demander l’éradication de leurs adversaires au nom de cette même liberté est pour le moins paradoxal. Les sophistes ne sont pas morts !

Il faudra bien un jour que quelques courageux élèvent la voix pour affirmer que cette liberté comme toutes les autres réalités de ce monde a une limite. Quand la caricature provoque l’amalgame, quand elle blesse toute une catégorie de citoyens, elle devient la caricature de la liberté d’expression. Quand comprendrons-nous que la liberté débridée peut tuer la fraternité, si nous ne mettons pas celle-ci au même rang que les deux autres emblèmes de la République ?

Voilà l’impasse dans laquelle veulent nous fourvoyer les nouveaux idolâtres. En divinisant des réalités humaines, ils ouvrent la voie de la pire des violences, la violence sacrée. En outre, ils disqualifient par avance et obstruent le chemin de la recherche du Dieu transcendant qui est au-delà de tout ce qu’on peut nommer…

 

p. Jean Casanave  24,10,2020